Bien entendu, l’écrivain dont il est question est un écrivain (homme ou femme) post-exotique : n’ayant comme avenir que l’incarcération prolongée suivie de la folie et de la mort. Il serait un peu rapide d’étendre ce statut à tous ceux et celles qui, munis d’une langue, interviennent dans la littérature officielle. Notre langue est avant tout cri, affirmation de cri et de murmure. Après de longues et pénibles aventures, ces fragments deviennent des textes, ces textes s’assemblent en livres dont la signature est par nature collective, même si à l’extérieur elle devient unique, pour des raisons pratiques qui nous concernent peu. La destinée commerciale de nos livres se joue dans un monde dont nous sommes de plus en plus éloignés. Personnellement, dans la mesure où, porte-parole des auteurs post-exotiques dans leur ensemble, je me trouve à l’extérieur des murs, je ne peux guère ignorer la réalité éditoriale, ses personnalités enthousiasmantes, mais aussi ses ignominies, ses aberrations et ses veuleries. Je ne l’ignore pas, mais j’essaie, au nom de mes camarades, de ne pas trop suivre ses règles. Je ne me fais aucune illusion sur la parole de l’écrivain pour changer quoi que ce soit à notre monde à la dérive, et d’ailleurs sur la parole tout court.

 

Antoine Volodine, réponse à un entretien : Revue TINA http://www.editions-ere.net/spip.php?page=tina_&id_article=398&id_mot=73