A nouveau, il y a hâte. Grande hâte. Intolérable hâte. La hâte va donner un spectacle, court et répété. La Mesc. ne peut fournir que des gags : je vois un énorme restaurant. Multiples les étages et on mange à tous les balcons (car il y a des balcons, et à colonnettes !), des tables par milliers, des milliers de soupeurs, une multitude de serveurs en casaque bleue. Drôle d'idée ! On sert. On dessert. On ressert. On redessert. Le temps de poser le plat, on retire l'assiette. Le temps de poser l'assiette, on retire le plat. Ce n'est même plus la vitesse d'un gag, c'est la vitesse d'un métronome fou. Ce n'est pas encore celle d'un courant alternatif. Essayez de saisir les détails : Ces soupeurs sont des sortes de mannequins, de même les serveurs. Aucune expression qu'on puisse retenir. Ni aucune particularité dans les mouvements.


Quelle explication ? Ce spectacle complètement crétin est pourtant la traduction d'un mécanisme prodigieux. Il faut savoir que la Mescaline donne des sensations de faim très violentes, présentes un instant, disparues l'instant d'après: des étincelles de faim. Or la Mescaline "image" et réalise instantanément sensations ou idées, sans participation aucune de la volonté, et sans désir conscient. Le gag imbécile est le résultat de ce parfait fonctionnement automatique.


Le reste du spectacle : Tout ce que je déteste, l'exhibitionnisme. Celui des toilettes, celui de la joie de manger. L'air fêtard et les balcons, où se montrent des couleurs qui font gai, n'ont pas été oubliés.


Arrêt.

Plusieurs arrêts. Quelques plaines colorées.

Arrête encore.

Cette fois, c'est la fin, sûrement.

 

 

Henri Michaux, in Misérable Miracle.