L'homme marcha sur quelque chose de mou et sentit aussitôt la morsure à son pied. Il bondit en avant et, en se retournant, il vit en jurant une yararacusu qui, enroulée sur elle-même, attendait une autre attaque.


L'homme jeta un rapide coup d'oeil à son pied, où deux gouttelettes de sang grossissaient péniblement, et sortit sa machette de sa ceinture. Le serpent vit la menace et enfonça davantage la tête au centre même de sa spirale ; mais le dos de la lame tomba, lui disloquant les vertèbres.


L'homme se baissa, essuya les gouttelettes de sang, et contempla un instant la morsure. Une douleur aiguë naissait des deux petits points violets et commençait à envahir tout le pied. Il serra sa cheville en toute hâte avec son foulard et suivit le sentier jusqu'à sa cabane.


La douleur au pied augmentait et l'homme éprouvait maintenant le tiraillement d'une enflure ; soudain il sentit deux ou trois élancements fulgurants qui, tels des éclairs, irradièrent de la blessure jusqu'au milieu du mollet. Il remuait la jambe avec difficulté ; une sécheresse métallique de la gorge, puis une soif brûlante, lui arrachèrent un nouveau juron.

 

A La dérive, in Contes d'Amour de folie et de mort, trad. de l'espagnol (Uruguay) par Frédéric Chambert.